Au-delà de la parité: le pouvoir

L’Hôtel de Ville de Montréal

Réflexion à l’occasion du lancement de l’avis Garder le cap sur l’ascension professionnelle des femmes aux postes de cadre à la Ville de Montréal publié par le Conseil des Montréalaises

L’avis lancé cette semaine par le Conseil des Montréalaises fait plusieurs constats importants. D’abord, qu’il y a une légère baisse (1,2%) dans le nombre de femmes employées par la Ville depuis 2007; ensuite que seulement 30% des nominations et promotions accordées en 2014 furent attribuées à des femmes. De plus, un écart se situant entre 2,7% et 6,1% existe toujours entre le salaire moyen des femmes cadres par rapport à leurs collègues masculins.

Ce rapport détaillé permet, par ses nombreux tableaux, la comparaison de différentes classes de données, dont certaines plus pointues, comme le nombre de femmes appartenant aux minorités visibles et d’autres groupes visés par le Plan d’action en accès à l’égalité en emploi de la Ville de Montréal. Mon intérêt est retenu par les statistiques concernant plus directement l’ascension professionnelle des femmes aux postes de cadre, tel qu’indique le titre du document. Car ici, on s’éloigne du principe de la parité pour parler plutôt du pouvoir.  

Puisqu’on est en …. 2016?

La réplique donnée par le Premier ministre du Canada, M Justin Trudeau, à la question: «Pourquoi est-il important pour vous d’avoir un cabinet paritaire hommes-femmes?» a rapidement fait le tour des médias sociaux et a généré le mot-clic #becauseits2015 (qui, depuis le 1er janvier, a été mis à jour pour devenir #becauseits2016). Force est de constater que le débat entourant la parité en emploi existe depuis maintenant plusieurs décennies; il est donc étonnant qu’un objectif de représentation paritaire soit remis en question, ou que l’atteinte de cet objectif nécéssiterait des explications.

Voilà pourquoi la réplique de M Trudeau fut si percutante: par son évidence. Mais outre la parité, il y a une toute autre question: celle du pouvoir.

Là-dessus, plusieurs critiques, dont un article de la revue MacLean’s ont rapidement souligné que plusieurs femmes nommées au cabinet de M Trudeau occupent des postes de «second plan». Ce que les femmes gagnent en parité, est-ce qu’elles le perdent en accès aux postes de pouvoir?

Le remaniement jeudi matin du cabinet du gouvernement Couillard a donné lieu à un cabinet composé de 11 femmes sur 30 sièges; or, les premiers commentaires suite au remaniement s’attardent moins sur la parité du cabinet que sur certains choix «rafraîchissants» dans l’attribution de quelques dossiers clés dont celui de l’économie, confié à Mme Dominique Anglade. En effet, Mme Anglade est la première femme depuis 12 ans a se voir confier ce poste, la dernière étant Mme Pauline Marois.

Plus on se rapproche du pouvoir, plus les femmes se font rares

Retournons notre regard vers la Ville de Montréal. Si sur l’ensemble des employés de la Ville les femmes sont presque paritaires aux employés masculins en nombre, ce n’est pas le cas quand on regarde les postes de cadre de direction. Les femmes, selon les statistiques de 2014, représentent 45% des cadres administratifs (ce qui est certainement dans la zone paritaire), mais ne représentent que 32% des cadres de direction.

Chez les élus montréalais, on fait le même constat:  plus on se rapproche du pouvoir et des hautes instances décisionnelles, plus les femmes se font rares. Si globalement les élus montréalais comptent 42,7% de femmes, c’est qu’il y a une concentration d’élues féminines au niveau des arrondissements (55%). Le conseil municipal est composé de 35,4% de femmes et son comité exécutif, qui équivaut au «cabinet» des gouvernements fédéraux et provinciaux, ne compte que 3 femmes sur ses 10 membres, soit 30% de représentation féminine.

Chez les maires d’arrondissement (qui sont également conseillers municipaux) on n’est qu’à 22% de femmes. Rappelons que lors des élections municipales de 2013, parmi les quatre principaux candidats à la mairie, il n’y avait qu’une femme, Mélanie Joly. Avons-nous à ce point peur de prendre le pouvoir? D’oser se proposer?

Oser se proposer

Chose certaine, un environnement de travail qui favorise une meilleure conciliation famille-travail contribue grandement à créer les conditions favorables à l’embauche de femmes. Or, les postes de pouvoir viennent aussi avec des responsabilités accrues, ce qui se conjugue mal avec une conciliation famille-travail et la flexibilité que cela implique. Il faut donc considérer cet aspect démotivant dans le choix des femmes de postuler, ou non, pour ces positions.

Katty Kay et Claire Shipman, auteures d’un livre intitulé «The Confidence Code» (Le code de la confiance) parlent d’une tendance chez les femmes de jouer, en bon élève, selon les règles du jeu et encore d’en mettre plus que ce qui est exigé par l’employeur, pensant ainsi être enfin reconnues et récompensées pour leur travail ardu. Or, semblerait-il que le «petit plus» qu’il faut pour se faire promouvoir ne serait pas dans le rendement, mais plutôt dans la confiance, tout au moins dans sa manifestation publique.

Les femmes ne peuvent plus attendre d’être reconnues, choisies et récompensées par «ceux au pouvoir» telles une belle au bois dormant qui attend son prince charmant; il faut d’abord qu’elles se projetent dans les lieux du pouvoir. La parité, à elle seule, n’est plus l’objectif. Il faut viser le pouvoir.

 

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