Le principe de la neutralité de l’état

“La récitation d’une prière en début d’assemblée publique d’un conseil municipal contrevient à l’obligation de neutralité des pouvoirs publics et a pour effet de porter atteinte, de façon discriminatoire, à la liberté de conscience et de religion des individus.”

– Extrait du document La neutralité de l’État découle de la liberté de religionproduit par La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec.


Depuis une génération, les Québecois et les Québecoises ont acheminé ardemment afin d’éloigner l’église des affaires d’état. L’histoire du peuple Québecois étant étroitement liée à celle de l’église catholique, ce cheminement est compliqué par des résurgences sporadiques de la nostalgie, voir même de la culpabilité car séparer des choses qui ont été conçues ensemble comporte un élément de brutalité, de rupture.

Ainsi, en même temps que la société québecoise dans son ensemble affirme l’importance de la neutralité de l’état, elle s’accroche à ses rituels anciens, mêmes désuets, comme si, en les rendant, on perdrait notre identité pour plonger collectivement dans un anonymat informe.

Ceux qui ont eu à exécuter un héritage connaissent la difficulté de se départir des choses matérielles qui nous ont été léguées. Pour l’exécuteur, la veille tasse de thé craquée, héritée de l’arrière grande-tante, devient autant un fardeau qu’un souvenir. Le jour qu’on comprend que nous ancêtres vivent dans notre sang, dans la vivacité de notre regard et de nos paroles, la tasse perd sa signifiance et nous sommes habilités à avancer librement. Il faut savoir ce à quoi s’attacher et ce de quoi l’on doit se libérer.


Le jugement de la cour suprême du Canada rendu mercredi le 15 avril dernier qui ordonne à la Ville de Saguenay de cesser la récitation d’une prière avant le conseil municipal est une occasion de plus de se départir d’un élément hérité et qui ne convient plus. La société québecoise a beaucoup évoluée, surtout depuis les trente derniers années. D’une société essentiellement catholique homogène, elle en est venue à remettre en question le rôle de l’église pour ensuite réclamer une séparation de la religion et de l’état afin d’affirmer la neutralité de ce dernier. Dans sa forme actuelle, libre, ouverte, pluraliste et tolérante, cette neutralité forme un nouveau pilier de l’identité québecoise.

On ne pourra plus prétendre, comme certains l’ont fait dans le passé, que le silence de la majorité est un silence approbateur. Ce n’est pas à “l’autre” – celui qui ne partage pas la croyance promulguée par les réciteurs de prières – de regarder ailleurs, de penser à autre chose, de s’absenter le temps d’une prière. L’obligation de l’état à la neutralité est justement fondé sur le principe d’une société inclusive: une société qui est juste pour tous et dans une même mesure.

En n’exprimant aucune préférence, l’État s’assure de préserver un espace public neutre et sans discrimination à l’intérieur duquel tous bénéficient également d’une véritable liberté de croire ou ne pas croire, en ce que tous sont également valorisés. Je précise qu’un espace public neutre ne signifie pas l’homogénéisation des acteurs privés qui s’y trouvent. La neutralité est celle des institutions et de l’État, non celle des individus. Un espace public neutre, libre de contraintes, de pressions et de jugements de la part des pouvoirs publics en matière de spiritualité, tend au contraire à protéger la liberté et la dignité de chacun. De ce fait, la neutralité de l’espace public favorise la préservation et la promotion du caractère multiculturel de la société canadienne que consacre l’art. 27 de la Charte canadienne .

– Extrait du jugement de la Cour Suprême du Canada dans le recours du Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), ch. [74]

Embrassons cette évolution vers de nouvelles valeurs de tolérance, d’ouverture, de liberté et de pluralisme. Le respect pour notre héritage n’est pas arrêté sur telle ou telle convention, mais bien sur la capacité d’évoluer vers une société toujours meilleure.


Visionner ici le reportage de Maya Johnson pour CTV sur la lecture de la prière à Pierrefonds-Roxboro (en anglais).

 

 

 

 

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